Dictionnaire critique de la sociologie, R. BOUDON

Dans les années 1960, de nombreux travaux sur la socialisation étaient motivés par l'hypothèse du développementalisme: le développement social, économique et politique dépendait fortement des valeurs intériorisées, et donc de la socialisation.
Dans les années 1970, les travaux sur la socialisation se sont rapprochés des thèmes de la permanence des classes et de la différenciation sociale.
Raymond BOUDON (1934 - ) s'oppose fermement au "schéma du conditionnement" dans la détermination des comportements des acteurs sociaux. Au paradigme du conditionnement (la socialisation serait une intériorisation des normes des valeurs, des rôles, des savoirs, etc. constituant le programme d'une exécution mécanique), il oppose celui de l'interaction.
Sa première référence est Jean PIAGET (1896-1980): tant que les interactions de l'enfant se limitent à ses parents, il tend à se comporter de manière égocentrique. Progressivement, le contrôle parental s'amenuise alors que l'enfant est inséré dans un groupe de pairs. Il comprend alors progressivement que le respect de ses propres droits passe par son respect des droits d'autrui: il intériorise le sens de la réciprocité et de la justice sociale.
Son plaidoyer pour le paradigme de l'interaction s'appuie sur:

1. la socialisation peut être conçue comme un processus adaptatif,
2. l'homo-sociologicus: l'agent agit au mieux de ses préférences et de ses intérêts tels qu'ils les conçoit. Cette hypothèse, dite de l'optimisation, suppose que la socialisation antérieure peut être la cause d'une perception inadéquate de la situation,
3. la prise en compte des degrés d'intériorisation des montages normatifs et cognitifs, produits de la socialisation
4. la distinction des socialisations primaires et secondaires (cf. BERGER & LUCKMANN)

R. BOUDON insiste sur la tendance lourde des sociologues à avoir une "vision sursocialisée de l'homme", les effets de la socialisation ne constituant qu'un seul des paramètres de l'action.